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Plus de 20 entreprises belges dont Solvay et BICS, une filiale de Proximus, auraient reçu de l’argent d’origine douteuse provenant indirectement d’Azerbaïdjan, rapporte mardi l’Echo sur base de données bancaires que le journal danois Berlingske a pu se procurer.
(Source: Belga) Le régime azéri aurait organisé une machine à blanchir plus de 2,5 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros) entre 2012 et 2014, dont l’origine douteuse était masquée via un transfert des montants en Estonie, sur les comptes de quatre sociétés écrans britanniques.
Au total, quelque 16.000 paiements ont été effectués depuis les comptes de quatre sociétés écrans britanniques (LCM Alliance, Metastar Invest, Polux Management et Hilux Services), dont la plupart pour des factures et bénéficiaires issus d’Azerbaïdjan.
Parmi ces opérations, certaines ont concerné la Belgique. Ainsi Belgacom International Carrier Services (BICS), une filiale de Proximus, a reçu le 2 mai 2013 un versement de 173.392 euros provenant de LCM Alliance LLP, reliée à une adresse dans le sud de l’Angleterre et elle-même gérée par des sociétés installées aux Seychelles.
De plus, ce versement n’a pas été effectué à partir d’un compte au Royaume-Uni mais bien depuis un compte estonien ouvert dans une agence de la banque danoise Dankse Bank à Tallinn, en Estonie.
La toile d’araignée ne s’arrête pas là. Selon les données analysées par Berlingske, le compte en question était ouvert au nom de deux personnes de Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. D’après BICS, “il s’agit d’un paiement unique de LCM Alliance pour des services télécoms” fournis à un client en Iran. “Il est fréquent que des paiements d’entreprises actives dans des pays sous embargo se fassent par différents canaux, comme Dubaï et Singapour. (…) Nous pouvons difficilement mettre nous-mêmes un filtre”, souligne encore la responsable du département juridique de BRICS dans l’Echo. Si l’entreprise n’a vu aucun lien avec le régime azéri, il est probable qu’il y en ait eu, affirme le quotidien. A la même époque, des paiements pour plus de 800 millions de dollars (673,7 millions d’euros) ayant un lien avec l’Azerbaïdjan ont en effet été effectués via LCM Alliance.
Des enquêtes sont en cours
La Belgique serait concernée par 13 transferts en 2013 pour un montant total de près de 1,49 million de dollars (1,2 million d’euros). Ces transactions montrent que le compte de LCM à Tallinn a été utilisé par le régime azéri comme réserve financière pour des achats divers, comme l’acquisition d’une excavatrice de 29.000 euros auprès de Meurens Machinery, un négociant de Lummen spécialisé en équipements des routes, le 5 avril 2013.
Un montant de 61.950 euros a par ailleurs été versé en faveur du groupe chimique Solvay, qui n’a donné aucune explication. Les trois autres comptes utilisés, inscrits aux noms de trois sociétés écrans britanniques (Metastar Invest, Polux Management et Hilux Services) ont également été ouverts dans la même filiale de la Danske Bank à Tallinn. Là encore, la Belgique apparaît dans le circuit, notamment avec l’achat via Metastar d’équipements dentaires pour 25.000 euros auprès de la filiale belge du grossiste CG Europe, pour la société azérie Caspident.
Le nom d’un homme de paille en Azebaïdjan avait aussi été communiqué à la banque comme personne de contact, ajoute l’Echo. Un des responsables de la Dankse Bank reconnaît de son côté que l’institution “n’a pas réussi à éviter que sa succursale estonienne ne soit utiliser pour couvrir des pratiques illégales”. Des enquêtes sont en cours.
Les quatre sociétés dissoutes
Les quatre sociétés ont été dissoutes, précise le Guardian, ajoutant que la Danske Bank avait indiqué en mars que les procédures anti-blanchiment étaient insuffisantes à l’époque en Estonie mais qu’elle avait pris “les mesures nécessaires pour y remédier”. Selon le Monde, l’Azerbaïdjan cherche des soutiens dans son conflit avec l’Arménie sur le Haut-Karabakh mais surtout à “faire taire les critiques sur la répression politique orchestrée par le clan du président Ilham Aliev, au pouvoir depuis quatorze ans”. Ces révélations sont le fruit d’une enquête publiée mardi, intitulée “Laundromat” (“Lessiveuse”), menée conjointement par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et une dizaine de journaux dont le français Le Monde, l’allemand Suddeutsche Zeitung, le britannique The Guardian ou le danois Berlingske. Le gouvernement azerbaïdjanais n’avait pu être joint mardi matin pour obtenir une réaction, précise l’AFP.